Derniers chapitres, derniers sens...
Les trois derniers chapitres sont consacrés au toucher, au goût et à l'odorat. Le tout dernier chapitre du tome 1 de "Apprendre à écrire", ce manuel de français destiné aux classes de grammaire et cours complémentaires (adolescents de 10 à 14 ans) est consacré à la santé et à la maladie.
Pour ce dernier post, je vais travailler un peu différemment à montrant les liens entre la manière dont Mlles Cognet et Janet ont définis les caractéristiques spécifiques à ces différents sens et la façon plus moderne. Je m'appuierai pour cela à la fois sur l'approche de Bitner (1992) sur l'environnement de service qui s'appuie sur les différents "indices tangibles" perceptibles par chacun des sens mais également sur les travaux plus récents du marketing sensoriel (voir par exemple Daucé et Reunier, 2004).
Sur le toucher, nous allons retrouver les éléments habituellement associés comme les textures ("qualités diverses des surfaces" pour l'ouvrage étudié), la température et l'humidité (intégrée comme une des qualités des surfaces). Nos auteures complètent ces trois éléments par "la résistance des corps" : "mou, moelleux, flasque, malléable, flexible, élastique, plastique, friable, onctueux, fluide, dur, résistant, raide, ferme".
Un élément qui n'est pas détaillé est relatif aux sensations corporelles internes : la vibration du coeur qui cogne dans notre poitrine, le sentiment d'oppression de notre cage thoracique face à une situation stressante ou bien, au contraire, le sentiment de libération, de détente musculaire que nous pouvons éprouver dans un moment de plénitude ou de joie intense ne sont pas définis dans le chapitre sur le toucher.
Ces différents ressentis ne sont pas absents de la prose qui compose ce manuel d'analyse de texte. On les trouvera comme conséquence de l'exposition à des vues, des odeurs, des moments d'une forte intensité décrits par exemple par Colette ou Lamartine. On pourra également étudier la manière dont les sensations désagréables, oppressantes, douloureuses sont rendues dans le dernier chapitre sur la maladie.
L'odorat va être décrit en reprenant l'ensemble des mots qui permettent d'exprimer une odeur : "senteur, arome, fumet, parfum, relent, émanation, bouquet, exhalaison, effluves, bouffée de parfum....
Les mots désignant la qualité des odeurs avec des registres différents selon qu'on juge leur côté agréable ou désagréable, qu'on les reconnaît et les définit par rapport à des substances naturelles (poivrée, musquée, mentholée...), par rapport à leur conséquence sur nos organes (suffocant, étouffant, capiteux...)
Le chapitre sur le goût commence en différenciant ce que l'on goutera avec plaisir et sans plaisir.
L'équivalent des "odeurs" est, pour le goût, les "saveurs" dont on rappelle les quatre "clairement définie" : le sucré, le salé, l'amer et l'acide.
Nos auteures soulignent qu'on qualifiera ensuite ces saveurs selon leur caractère plus ou moins prononcés (de fade à corsé, de insipide à prononcé).
Ces deux chapitres sont assez courts sur la partie vocabulaire et nos institutrices font remarquer que les vocabulaires de l'odorat et du goût se complètent mutuellement.
Les différents extraits choisis pour illustrer ces trois derniers sens sont passionnants à lire. Colette et, en particulier, "les vrilles de la vigne" sera largement citée mais également des auteurs auxquels nous sommes désormais familiers : Maurice Genevoix, Victor Hugo (les travailleurs de la mer), Francis de Croisset....
Si aucun "spécialiste" du toucher n'est convoqué dans le chapitre 17, deux poètes font leur apparition dans ce manuel pour l'odorat : Anne de Noailles et Rémy Belleau.
Pour le goût, on laissera quelques espaces libres à Brillat-Savarin et son "Physiologie du goût".
A priori, selon mon programme, j'aurais du passer très vite sur le dernier chapitre. Comme indiqué, le registre fait plutôt appel aux sensations internes de toucher que l'on peut percevoir dans nos membres, notre respiration, notre état nerveux, notre équilibre. Oui mais il y a les textes.
Des textes remarquables, des textes qui m'enchantent littéralement alors même qu'ils décrivent les états fiévreux ou mélancolique. J'avais oublié combien Colette pouvait être maligne et ne pas seulement célébrer la joie de vivre dans une nature habitée mais aussi dans un corps sensible. Son texte sur la maladie m'a tellement plu, tellement parlé que j'ai décidé de vous le lire. Je continuerai avec Jean Giraudoux qui exhale de façon incroyablement juste le temps de la convalescence. Je m'attendais à lire quelques pages de la mélancolie proustienne mais en vain. Ce sont les affres de la chaleur décrite par Jules Romain et ceux du froid de la pauvre Maria Chapdelaine qui achève les lectures de cet ouvrage qui m'aura accompagné tout cet été !
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